1.1 Asiminier (pawpaw) : fruit exotique en climat tempéré

Culture de l'asiminier en Belgique et ailleurs

Un arôme tropical, une saveur exotique et une texture crémeuse associés à une rusticité de -25° C et à une résistance aux ravageurs : découvrez l'asiminier trilobé, un arbre fruitier hors du commun capable de pousser en Belgique moyennant quelques années de suivi rapproché.

L'asiminier trilobé (Asimina triloba), aussi appelé pawpaw, manguier de pleine terre ou bananier des Indiens, est un petit arbre originaire de l'est de l'Amérique du Nord. Il s'agit d'une plante de bord de rives, qui prospère dans les sols profonds des plaines alluviales, le long de criques, de cours d'eau et de fleuves, mais qui n'en demeure pas moins capable de croître dans diverses conditions sous différents climats. Contrairement à de nombreux arbres fruitiers qui s'épanouissent plutôt en lisière de forêt ou en pleine lumière, dans la nature, l'asiminier pousse sous la canopée de grands arbres tels que chênes, pacaniers, tulipiers de Virginie et noyers noirs et peut atteindre 5 à 9 m de hauteur.


Aire de répartition de l'asiminier trilobé aux États-Unis (Pawpaw belt)

Le pawpaw est un arbre à l'histoire étonnante : déjà présent en Amérique du Nord voilà 56 000 ans, au temps où le continent abritait palmiers, fougères et volcans en activité – des fruits fossilisés et d'autres vestiges en témoignent –, l'asiminier avait évolué dans le but précis d'être remarqué, mangé puis dispersé par la mégafaune de l'époque, qui incluait des paresseux géants et des mammouths laineux. Selon une théorie, un groupe d'arbres installé le long de la frontière actuelle entre les États-Unis et le Mexique, comprenant l'un des ancêtres du pawpaw, aurait évolué parallèlement aux mouvements d'avancée et de recul de plusieurs calottes glaciaires. Grâce à une mutation ou à une prédisposition génétique à l'origine de sa résistance au froid, l'ancêtre de l'asiminier se serait alors lentement déplacé vers le nord (les autres membres du groupe n'ayant pas été du voyage, faute, entre autres raisons, d'une rusticité suffisante), puis vers le sud et vers l'est.

Quand les humains arrivèrent en Amérique du Nord à la suite de plusieurs siècles de changements biologiques et climatiques, ils se mirent eux aussi à manger des pawpaws, puis à les disperser, prenant le relais de la mégafaune récemment éteinte, et même à à les sélectionner. Il se peut ainsi que certains bosquets d'asiminiers à la qualité gustative supérieure soient en réalité d'anciens vergers. Les Amérindiens consommaient les asimines et les séchaient pour en faire des ragoûts et des sauces. Ils utilisaient aussi l'écorce interne fibreuse du pawpaw pour fabriquer des cordes et du fil. Les fibres de pawpaw pouvaient servir à confectionner des vêtements ou à tresser des paniers, tandis que les graines, transformées en poudre, faisaient office de traitement anti-poux.

Avec ses feuilles de grande taille et ses grappes de jeunes fruits rappelant un régime de bananes miniature, l’asiminier ne semble pas à sa place dans l’hémisphère nord. Et pour cause, c'est le seul genre parmi la vaste famille du chérimolier, du corossolier et autres annonacées à pouvoir supporter des températures négatives allant jusqu'à -25° C, sur les berges couvertes de glace des Grands Lacs. À vrai dire, le pawpaw a même besoin de connaître un hiver et un certain nombre d'heures dormance chaque année, ce qui ne le rend pas apte à la culture dans les régions trop méridionales.

Grappe de jeunes asimines sur la parcelle test de la pépinière Bois de Rode Bos (Bruxelles, Belgique)

Et la singularité de l'asiminier ne s'arrête pas là, puisque ce petit arbre fleurissant au début du printemps n'est pas pollinisé par les abeilles, mais par des mouches et des coléoptères, autrement dit des insectes attirés par la chair en décomposition, d'où la couleur marron et le parfum légèrement désagréable des fleurs de pawpaw. À noter que ces visiteurs sont moins efficaces et répandus que les abeilles, de sorte qu'il est parfois indiqué de favoriser la pollinisation en installant un tas de compost, du fumier ou des coquilles d’huîtres à proximité des arbres. Certains producteurs accrochent aussi, par exemple, de la peau de poulet aux branches de leurs pawpaws, tandis que la pollinisation manuelle est pratiquée par plusieurs amateurs. Dans de nombreux cas, toutefois, le meilleur moyen de favoriser cette pollinisation atypique consiste à promouvoir et à protéger la biodiversité. Sauf exceptions, l'asiminier n'est pas autofertile et nécessite une pollinisation croisée avec au moins une variété différente pour fructifier.



Les asimines sauvages, qui présentent souvent une forme irrégulière, mesurent de 5 à 15 cm de long et pèsent entre quelques dizaines de grammes et 200 g environ, alors que les variétés sélectionnées peuvent produire des fruits accusant plus de 700 g sur la balance. Il s'agit du plus gros fruit comestible originaire des États-Unis. Le pawpaw possède un arôme tropical, une texture crémeuse et une saveur variant grandement en fonction de la variété, de l'ensoleillement et du stade de maturité, par exemple. Ainsi, on décrit souvent le goût de l'asimine comme un mélange de banane et de mangue, mais on trouve aussi des fruits à la saveur allant du melon ou de l'ananas à la barbe à papa et à l'anis, avec des notes de vanille ou de caramel.


Le pawpaw, dur comme de la pierre quand il n'est pas mûr, devient aussi délicat et fragile qu'une framboise à maturité – laquelle intervient en automne en Belgique pour les variétés précoces, les cultivars tardifs n'étant pas recommandés chez nous. C'est uniquement à ce stade de vulnérabilité extrême qu'il est prêt à être cueilli. Après la récolte, l'asimine va noircir en trois jours environ et gagner en sucre jusqu'à dégager une odeur et un saveur intenses (et pour certain, écœurantes) de caramel. Un asiminier produit des fruits pendant une trentaine de jours, selon les conditions climatiques. Il faut savoir que le pawpaw est un fruit particulier au goût sortant de l'ordinaire : certains en raffolent, d'autres ne l'apprécient pas.

Attention : la consommation d’asimines avant maturité peut causer des nausées ou des vomissements. Par ailleurs, il est vivement déconseillé de mâcher ou d’avaler la peau ou les graines de pawpaw. À noter que certaines personnes tolèrent mal ce fruit, en particulier lorsqu’il est cuit, les effets secondaires étant souvent très désagréables, mais pas dangereux. Avant maturité, il peut également arriver que la peau des asimines provoque une éruption cutanée sur les mains et la bouche des personnes sensibles. Autre élément essentiel : pour une raison inconnue, le cuir de fruit de pawpaw occasionne de graves troubles gastrointestinaux chez la plupart des gens pendant environ 24 heures. L’asimine est un fruit riche en divers éléments et composés et n’a pas vocation à être consommée tout au long de l’année. C’est une douceur saisonnière, à déguster pendant sa période de maturité !

Dans son habitat d'origine, le pawpaw peut constituer de véritables bosquets sous la canopée des grands arbres. Ce comportement résulte de sa capacité à drageonner, c'est-à-dire à former de nouvelles pousses à partir de ses racines, ce qui fait de l'asiminier une plante de sous-étage très compétitive dans son habitat d'origine. Andrew Moore, auteur de « Pawpaw – In Search of America's Forgotten Fruit », relate ainsi des paroles de jardinier : « On dit que la seule manière de tuer un pawpaw, c'est de le transplanter et d'essayer de le cultiver ». En Belgique, dans des conditions très éloignées de son habitat d'origine, la culture de l'asiminier vise donc plutôt un public averti. Il faut savoir que les variétés sélectionnées d'asiminier sont généralement greffées, si bien qu'il est recommandé de supprimer les drageons, car ils proviennent du porte-greffe.

Bosquet d'asiminiers

Grâce à certaines substances chimiques qu'il renferme, l'asiminier est très peu vulnérable aux ravageurs, et donc facile à cultiver de manière biologique. Nous n'avons encore observé aucune attaque importante en Belgique, sauf sur les jeunes plants, qui sont sensibles aux gastéropodes.

En conclusion, l'asiminier sort de l'ordinaire à plus d'un titre :

  • fruit à l'arôme tropical ;
  • feuille de grande taille ;
  • fleur pollinisée par les coléoptères et les mouches ;
  • plante de sous-étage ;
  • rusticité de -25° C le rendant apte à la culture en Belgique ;
  • résistance élevée aux ravageurs ;
  • histoire extraordinaire remontant à plusieurs milliers d'années.

Ce fruitier mérite sans aucun doute qu'on s'y intéresse de près. Pour poursuivre l'exploration de cet arbre atypique et en apprendre davantage sur ses conditions de culture, rendez-vous ici.

Pour en savoir plus sur l'asiminier, réservez une place pour une de nos visites guidées:
Visites guidées de la pépinière

Et pour en acheter, c'est ici:
Vers notre collection d'asiminiers (asimina triloba ou pawpaws)


Sources

  • Cothron, Blake, Pawpaws – The Complete Growing and Marketing Guide, New Society Publishers, 2021. 
  • Moore, Andrew, « In Search of America's Forgotten Fruit », Chelsea Green Publishing, 2015.

Crédits photographiques

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