Kiwaï : un mini-kiwi sucré et sans poil

La culture du mini-kiwi en Belgique et ailleurs (Actinidia arguta)

Le kiwaï (Actinidia arguta) est une liane fruitière vigoureuse, qui produit généreusement de délicieux mini-kiwis à la peau lisse et à la saveur sucrée. Plus adapté au climat belge que le kiwi vert ou jaune, il nécessite toutefois une protection contre les gelées printanières, comme un palissage contre un mur d’habitation chauffée.


Tour d’horizon du genre


Les Actin​idi​a sont des plantes grimpantes originaires d’Asie qui poussent naturellement en sous-bois à proximité ou le long de cours d'eau. Très vigoureuses, ces lianes à tiges volubiles ont la capacité, grâce à leurs jeunes pousses, de s’enrouler autour des arbres pour aller chercher la lumière dans la cime de ceux-ci, parfois cinq à neuf mètres plus haut. Parmi ce genre, quinze espèces environ produisent des fruits comestibles : il s’agit de baies à la chair fondante et juteuse et à la peau plus ou moins duveteuse, dont le poids varie entre 0,6 et 240 g, leur couleur pouvant aller du vert, du grisâtre ou du brun au rouge, à l’orange et même au pourpre. 



Fruits de différentes espèces d'Actinidia (P. Lachota)


Le kiwi vert (Actinidia deliciosa) et le kiwi jaune (Actinidia chinensis) sont sans doute les représentants les plus connus du genre. Toutefois, il existe d’autres espèces qui produisent des fruits intéressants et conviennent mieux au climat belge, comme le kiwi arctique (Actinidia kolomikta) et le kiwaï (Actinidia arguta). Intéressons-nous de plus près à ce dernier, aussi appelé mini-kiwi, kiwibes en néerlandais ou kiwiberry en anglais.


Le kiwaï, ou Actinidia arguta


Le kiwaï est une liane originaire des forêts tempérées d’Asie de l’Est et du Nord-Est qui pousse de façon endémique dans le centre et le nord de la Chine, au Japon, dans la péninsule coréenne et dans l’Est de la Sibérie. Il s’agit de l’une des espèces d’Actinidia présentant l’aire de répartition la plus vaste.




Aire de répartition naturelle d’Actinidia arguta


Pour rappel, ce sont les jeunes pousses du kiwaï, capables de croître rapidement – jusqu’à 5 m par saison – et de s’enrouler autour d’un support, qui constituent le mode d’accroche du mini-kiwi. Celles-ci, vertes initialement, brunissent puis se lignifient à partir de leur deuxième année, de sorte que les kiwaïs développent au fil du temps une souche au bois solide. L’Actinidia arguta possède un système racinaire ramifié très développé et plutôt superficiel, mais qui peut néanmoins atteindre 2,5 m de profondeur à maturité dans les sols légers. Niveau rusticité, le mini-kiwi peut résister à des températures descendant jusqu’à -30° C pendant sa période de dormance hivernale, mais demeure en revanche très sensible aux gelées de printemps dès le débourrement, un gel tardif pouvant détruire entièrement la récolte de l’année. 


À l’instar de la plupart des espèces d’Actinidia, le kiwaï est une plante dioïque, ce qui signifie que les fleurs mâles et femelles sont portées sur des pieds distincts. En général, les fleurs mâles possèdent uniquement des étamines de couleur noire, tandis que les fleurs femelles portent de nombreux stigmates blancs, entourés de courtes étamines au pollen stérile.



Fleur mâle d'Actinidia arguta



Fleur femelle d'Actinidia arguta


Les Actinidia entrent en production entre leur troisième et quatrième année et continuent à produire pendant au moins 50 ans. Ils atteignent leur rendement optimal entre leur septième et neuvième année, soit environ 30 kg par pied et 30 tonnes par hectare. Certaines variétés de kiwaï sont sujettes à l’alternance, comme « Ken’s Red », « Tanny », « Jumbo ». Les baies, qui sont dépourvues de poils et se mangent donc entières avec la peau, mesurent en moyenne 2 cm de large et de 2 à 5 cm de long et pèsent entre 5 et 20 g. Leur saveur se rapproche de cette du kiwi jaune « Zespri Gold ». On peut les déguster fraîches sur l’arbre, les sécher ou les utiliser en pâtisserie. Les baies sont mûres lorsqu’elles sont légèrement molles au toucher. Récoltées plus tôt, il est possible de les laisser mûrir à côté d’une pomme ou d’une banane, à température ambiante.


Le kiwaï est considéré comme un superfruit grâce à sa forte densité nutritionnelle : à poids égal, le mini-kiwi renferme deux fois plus de vitamine C qu’une orange, 80 % de la teneur en potassium d’une banane et 1,6 fois la quantité de fibres alimentaires d’une pomme. Mais ce n’est pas tout, puisqu’il représente aussi une excellente source de vitamines B, A et E et de sels minéraux comme le fer, le calcium et le manganèse.



Variété Ambrosia Grande, kiwais à gros fruits et à chair verte


Conditions de culture


Le mini-kiwi aime les étés humides et chauds à tempérés ainsi que les hivers froids. Passons en revue les principales conditions de culture de ce petit fruitier.

Protection contre le froid


Pour rappel, le kiwaï est très résistant au froid quand il est en dormance. En revanche, à partir du débourrement aux alentours du mois d’avril, les jeunes pousses et les bourgeons développés peuvent subir des dégâts dès 30 minutes de gel à -1 °C, les boutons floraux étant quant à eux endommagés à partir de -0,5 °C. Autant dire que la protection contre le froid est une question essentielle dans la culture du mini-kiwi. Pour parer à cette difficulté, on peut palisser le kiwaï contre un mur d’habitation chauffée bien exposé au sud. Il est aussi possible d’installer un système d’aspersion : celui-ci permet non seulement d’irriguer les plants, mais aussi d’augmenter le taux d’hygrométrie, de réduire les températures excessives en cas de canicule et de protéger les jeunes pousses et les bourgeons contre le froid. Un débit de 3 mm d’eau par heure permet de faire face à un gel de -3 °C, auquel s’ajoute 0,5 mm d’eau par heure pour chaque degré de température négative supplémentaire. Enfin, il faut savoir que les jeunes plants sont plus vulnérables au froid que ceux bien établis.



Exemple de système de lutte antigel par aspersion


Exposition


Il est important d’installer le kiwaï en plein soleil, l’ombre réduisant la croissance et la productivité. À l’inverse, en cas de températures supérieures à 30 °C, il est recommandé de protéger les jeunes plants du soleil, capable de brûler leurs feuilles s’il est trop agressif.


Il faut également savoir que les Actinidia supportent très mal le vent. Il est donc conseillé d’installer au préalable un brise-vent ou de planter le mini-kiwi à un emplacement abrité du vent, car celui-ci peut casser les jeunes pousses et faire tomber prématurément les fruits, en plus d’avoir une action asséchante et d’accentuer les effets du froid.


Sol


Le kiwaï n’est pas particulièrement exigeant sur le plan du sol, pour autant que ce dernier soit drainé. Dans l’idéal, on l’installera dans un sol sableux à limono-sableux, bien drainé et riche en humus, dont le pH se situe entre 5.0 et 6.5, les pH supérieurs à 7.2 pouvant causer une chlorose.


Eau


Le kiwaï aime les climats humides, avec des précipitations annuelles comprises entre 1250 et 1500 mm, réparties de manière égale sur toute l’année, et une humidité de l’air ne descendant pas en-dessous de 60 %. Il est donc souvent indiqué d’installer un système d’irrigation, par exemple par aspersion ou goutte-à-goutte, le mini-kiwi tolérant mal la sécheresse, surtout lorsqu’il est jeune. Dans l’idéal, on irrigue deux fois par semaine, le volume d’eau dépendant de l’âge du pied, du type de sol et des précipitations tombées, mais on pourra retenir les chiffres moyens suivants, s’appliquant à un pied à maturité sur sol limono-sableux : environ 15 à 25 mm d’eau  (si possible, de pluie) par arrosage.



Plantation


Il est recommandé de mettre en terre des pieds de deux à trois ans, idéalement au printemps juste après les Saints de glace, pour qu’ils puissent bien s’implanter avant d’affronter l’hiver, en veillant à les protéger si le soleil est brûlant en été. Avant de planter, on désherbe dans un diamètre de 80 cm et on décompacte bien la terre. Ensuite, on creuse un trou de 50 cm de largeur et de 30 à 40 cm de profondeur et on décompacte la terre au fond de celui-ci. Il est important que les racines puissent entrer librement dans le trou et on peut opérer une légère taille de celles-ci. Il est important de ne pas enterrer le plant et de garder la terre au même niveau que le terreau dans le pot. Il est déconseillé d’apporter de l’engrais dans le trou, car cela peut brûler les racines, mais il est possible d’apporter de la fumure organique après la plantation pour favoriser la croissance.


Palissage


Compte tenu de la durée de vie du kiwaï, il est important que les plants disposent d’un support solide et durable dès leur implantation. On peut utiliser des poteaux en bois, en métal ou en béton, enfoncé d’au moins 60 cm dans le sol et espacés de 4 à 6 m de distance, les poteaux en tête et en fin de rangée devant être solidement ancrés, par exemple par une amarre, pour maintenir la tension des câbles. On emploiera du câble en acier inoxydable de 2 à 3 mm d’épaisseur. Chaque pied sera installé avec un tuteur en bambou individuel sur lequel on attachera la tige principale, en évitant qu’elle ne s’enroule autour de son support.


Les professionnels peuvent opter pour un palissage en T ou une conduite en pergola.



Exemple de système de palissage en T


Les particuliers, quant à eux, peuvent par exemple se tourner vers un palissage contre un mur sur deux ou trois fils: 200-210 cm, 140-150 cm et 80-90 cm pour trois fils et 180-200 cm, 90-110 cm pour deux fils.




Exemple de palissage sur trois fils


Espacement


En verger, on espace les pieds de 2,5 m sur le rang et de 4,5 m entre les rangs, ce qui correspond à 1 000 pieds à l’hectare. Ne pas oublier de planter 1 pied mâle pour 8 femelles au maximum, à installer le plus proche possible des femelles et à répartir de manière uniforme dans le cas d’un verger. Une pollinisation insuffisante donne lieu à des fruits de petite taille, voire malformés.


Fertilisation


Les Actinidia sont des plantes gourmandes qui puisent des quantités importantes de nutriments dans le sol, de sorte qu’il est conseillé de fertiliser en suffisance chaque année pour obtenir une production qualitativement et quantitativement satisfaisante. L’essentiel consiste à bien suivre la croissance et la productivité des plants. Stagnation de croissance, jaunissement ou pâlissement des feuilles, fruits de petite taille et sans saveur sont autant de signes qu’il est temps d’intervenir. Pour rappel, un pH du sol trop élevé peut aussi provoquer une chlorose. Cela étant dit, voici les recommandations générales :

  • Pendant les trois premières années : 60 g d’azote (N), 20 g de phosphore (P2O5) et 30 g de potassium (K2O) par pied par an, répartis en trois apports (début mai, début juin et fin juin)
  • En production : 80 g d’azote, 50 g de phosphore et 110 g de potassium


Floraison et fructification


Le kiwaï fleurit de fin mai à début juin, pendant 10 jours en moyenne, et fructifie à partir du mois de septembre. Il faut savoir que le kiwaï est un fruit climactérique, c’est-à-dire qu’il peut poursuivre sa maturation après cueillette.


Taille


Les Actinidia fructifient sur les pousses de l’année qui se forment à partir de bourgeons situés sur les branches d’au moins un an. En ce qui concerne le mini-kiwi, la taille représente une activité importante déterminant la qualité et la quantité de la récolte. Il s’agit de donner à la liane une bonne architecture, d’optimiser l’utilisation de l’espace, de faciliter la récolte et de permettre une bonne pénétration de la lumière. On taille généralement deux fois par an : en été et en hiver. Nous n’aborderons pas ici le palissage en T ni la conduite en pergola. À noter qu’en vue d’une vigueur optimale, il faut attacher les tiges régulièrement pour éviter qu’elles ne s’enroulent autour du fil.


La première année, on conduit la tige la plus vigoureuse jusqu’à l’étage supérieur. En hiver, on élimine l’extrémité, plus faible, de la tige, ainsi que les tiges surnuméraires.

La deuxième année, on forme les charpentières : à chaque étage, on conduit deux tiges vigoureuses de part et d’autre de la tige centrale et on supprime les autres. À la fin de l’été, on raccourcit les pousses latérales éventuelles à 5 feuilles, puis on les rabat à environ 60 cm en hiver.

La troisième année, on forme la plupart des pousses latérales. À la fin de l’été, on supprime les pousses latérales surnuméraires (ou trop faibles) pour n’en garder qu’une tous les 20 à 30 cm et on les raccourcit à 5 feuilles. En hiver, à nouveau, on les rabat à 60 cm environ.

 


À partir de la quatrième année, le kiwaï portera des pousses fructifères et formera des pousses latérales à divers endroits. Pendant l’été, on raccourcit si nécessaire et les pousses latérales et fructifères à 6 à 8 feuilles. En hiver, on élimine les vieilles pousses latérales (plus de trois ans) pour les remplacer par de nouvelles. Les pousses latérales de l’épaisseur d’un crayon sont généralement les plus productives.


Les pieds kiwaï mâles doivent produire un maximum de pollen pendant un intervalle de temps maximal. On peut les tailler comme les femelles, en opérant après la floraison.


Gestion de l’enherbement


Les kiwaïs tolèrent mal la concurrence des graminées pour l’eau et les nutriments, en particulier les premières années. Il est donc conseillé désherber dans un diamètre de 0,75 à 1 m autour du plant et de pailler pour limiter l’enherbement et maintenir un bon taux d’humidité, ce qui favorisera la croissance des plants. À partir de la deuxième année, il est déconseillé de travailler le sol à proximité des pieds afin d’éviter d’endommager leur système racinaire très superficiel. Certains producteurs sèment du trèfle blanc dans l’inter-rang comme couvert permanent.


Maladies et ravageurs


Les maladies et les ravageurs ne sont pas particulièrement source de préoccupation dans la culture du kiwaï, qui se prête bien à la culture biologique.


Pour ce qui est des ravageurs, les jeunes plants peuvent être défoliés par les gastéropodes, grignotés par des lapins ou endommagés par les chats ou les campagnols. Des chenilles, thrips, pucerons et autres insectes peuvent aussi occasionnellement causer des dégâts, mais il est rare qu’une intervention s’impose. Enfin, la drosophile Suzukii peut poser problème, mais elle ne s’attaque qu’aux fruits mûrs. Aussi, il est possible de cueillir les fruits avant leur pleine maturité (à leur stade de maturité physiologique), de les entreposer en cave, puis de les sortir au fur et à mesure des besoins pour les laisser mûrir à température ambiante, en quatre à dix jours.


Côté champignons, il arrive sporadiquement que les Actinidia soient attaqués par le Phytophora et la pourriture grise (Botrytis cinerea). Toutefois, une taille adaptée, un sol bien drainé et un espacement suffisant entre les plants permet souvent de les prévenir. En ce qui concerne les bactéries, Pseudomonas syringae pv. actinidiae peut mettre en péril une plantation entière d’Actinidia, mais le kiwaï y est moins sensible.


Le kiwaï au Bois de Rode Bos


En Belgique, la culture du kiwaï se heurte au problème des gelées printanières. Ainsi, sur huit ans de culture sur notre parcelle test, il n’y a qu’en 2023 que nous avons obtenu une récolte satisfaisante, car il n’a guère gelé à partir du débourrement. Nous avons installé les kiwaïs il y a sept à huit ans environ, selon un système de palissage en T, en laissant buissonner les mâles.  Depuis lors, nous n’avons constaté aucune attaque de maladie. En Allemagne et au Canada, par exemple, le kiwaï peut aisément se cultiver en plein champs. Chez nous, en revanche, c’est pratiquement impossible à cause du phénomène de redoux : il n’est pas rare, qu’au printemps, les températures s’adoucissent – incitant les kiwaïs à sortir de leur dormance –, pour ensuite redescendre en dessous de zéro, ce qui brûle les boutons floraux et les jeunes pousses. En Belgique, il est donc indispensable d’installer un système de protection contre le froid.  La variété la plus précoce est « Scarlet September » (hybride Actinidia purpurea), elle produit des fruits rouges délicieux. C’est la variété « Rogow » qui possède à nos yeux la meilleure saveur, avec un arôme qui persiste longtemps en bouche, tandis que « Ambrosia Grande » produit l'un des plus gros fruits. Tous les kiwaïs présentent une excellente saveur.


 



Conclusion


En Belgique, moyennant la prise en compte des éléments suivants :


  • protection contre les gelées printanières (palissage contre un mur d’habitation chauffée bien exposé),
  • sol drainé,
  • besoins en eau importants,
  • opérations de taille à ne pas négliger,

il est possible de produire soi-même des mini-kiwis, dont voici les atouts :


  • fruits délicieux, à la peau lisse et à la saveur sucrée,
  • productivité intéressante (en moyenne 30 kg par pied),
  • peu d’exigences quant au sol,
  • bonne résistance aux maladies et aux ravageurs.


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Et pour en savoir plus sur le kiwai, rejoignez une visite guidée de la pépinière.

Sources :

  • Hastings, William, « Growing Kiwiberries in New England: A Guide for Regional Producers », Master's Theses and Capstones, 2018. https://scholars.unh.edu/thesis/1240.
  • Debersaques, Filip, De Kezel, Christian et Mekers, Omer, Van kiwi tot kiwibes – Telershandleiding, 2012, Kiwibes.

Crédits photographiques :



 


1.3 Asiminier : les pollinisateurs & la pollinisation
La pollinisation atypique de l'asiminier trilobé (Asimina triloba ou pawpaw)